Article rédigé par : Marie-Line DUPUY / Co-présidente, membre internationale depuis 1998
Déclaration d’un chamane Kogi, en parlant de nous, les occidentaux, dans le très beau livre « Les indiens Kogis, la mémoire des possibles » paru en novembre 2009 aux éditions Actes sud :

« Nous ne sommes pas pauvres, vous les petits frères êtes plus pauvres que nous.
Nous n’abîmons rien, au contraire nous protégeons ce que nous donne la nature. Nous avons de l’eau en quantité, claire et limpide, des arbres et des fruits… Chez vous, vous avez tout détruit. Chaque jour qui passe vous êtes plus pauvres. Si vous continuez, vous allez devenir vraiment très pauvres.
Nous ne dépendons de rien, ni de personne pour vivre, faire une maison, manger, nous chauffer. Nous sommes libres. Les petits frères deviennent pauvres, car ils détruisent tout ce que la nature leur a donné. C’est parce qu’ils enferment la vie qu’ils pensent qu’ils sont plus riches ? Parce qu’ils traversent les montagnes en faisant des trous pour aller plus vite ? Si je vous faisais un trou dans le ventre pour aller de l’autre côté, quel effet cela vous ferait ?
Nous n’avons pas toutes vos machines et tout votre argent, mais nous ne sommes pas pauvres. Vous êtes sans doute plus pauvres que nous. Ici dans la Sierra, nous protégeons la nature, nous n’abîmons pas les choses. Vous, vous êtes en train de tout détruire et vous allez devenir pauvres de tout ce que la nature vous a donné.
Si vous continuez à tout détruire, la chaleur va arriver et va tout brûler. Le vent va tout assécher et tout va disparaître.
Tous vos objets vont être détruits et vous mourrez. »
Ces paroles sont celles de tout sage conscient de la puissance du collectif, conscient de la prodigalité de notre Soeur Nature, conscient que la destruction du Vivant est un « sacrilège » ; car le Vivant, Oui, est sacré et sa destruction entraine inévitablement la destruction de l’Homme puisqu’il est partie intégrante de ce Vivant … Nous sommes UN et formons un TOUT indissociable, que les autres nous plaisent ou non …
Et oui, difficile à admettre, quelquefois, que cet « autre », dont les actes nous révoltent, dont les décisions vont à l’encontre du bien commun … soit un de nos frères … et pourtant …
Allons un peu plus loin dans ces rappels (ou cette découverte pour certains) des paroles de sagesse de ce même peuple Kogis ; voici les 10 valeurs primordiales des indiens Kogis :
1) Une mémoire collective:
Ils se racontent leur histoire et ne l’écrivent pas. Ils discutent longuement et prennent des décisions pour le futur en fonction de leurs expériences passées.
Citation Kogis : « Nous devons apprendre à écouter les anciens, à les respecter comme nous respectons nos enfants, nos épouses. Pour cela, il faut être humble, apprendre à aimer. Les Kogis doivent se respecter et s’aimer: comme ils respectent et aiment la nature. » M.M Dingula.
2) Une forte convivialité:
Les Kogis parlent beaucoup, pour mieux se comprendre, éviter les conflits… Ainsi, leurs relations sociales sont fortes et harmonieuses.
Citation : » Nous sommes frères, nous sommes égaux entre frères, les jeunes et les anciens. Lorsque nous mangeons, nous ne mangeons pas chacun dans son coin comme les petits frères, c’est trop triste d’être seul. Quand il n’y a pas beaucoup à manger, on partage ce qu’il y a. Il faut toujours essayer d’aider l’autre, l’accompagner pour qu’il soit bien. » Conchacala.
3) Une finalité d’équilibre:
Pour les Kogis, l’équilibre est partout : équilibre de soi, de soi avec les autres et de soi avec le monde et la nature.
Citation : » Les petis frères ne savent pas ce qui signifie l’idée de justice, d’équilibre. Ils font des trous, ils causent des dégâts partout, ils coupent des arbres, sans savoir, sans comprendre, ils sont aveugles, ils ne voient pas et n’entendent pas, alors les problèmes arrivent. » M.M Dingula
4) Un temps cyclique:
Pour les Kogis, le temps est cyclique. Chaque année, les étapes fondamentales de la vie sont marquées pas un rituel, une cérémonie.
Citation : « Au début, nous sommes petits enfants, peu à peu, nous devenons grands, puis nous finissons par revenir vers là Mère (la Terre) pour mourir… » M.M Dingula
5) L’appartenance à un lieu:
Les Kogis, et tous les peuples racines appartiennent à un lieu et portent cet endroit dans leur coeur.
Citation : » Pour nous, ce n’est pas simplement un territoire, c’est le coeur du monde, de la vie, c’est comme un corps vivant.. » MM.Dingula
6) Des lois fondés sur le vivant:
Les Kogis vivent en relation permanente avec la nature et le vivant. Leurs lois sociales et politiques sont basées sur l’observation de la nature.
Citation :
« Nous devons écouter les voix de la nature. Si on écoute pas, chacun va de son côtés et sans direction, cela ne peut pas aller. Pour nous, la nature est comme vos livres, tout y est écrit. Essayer de comprendre que la mère terre, c’est la justice, l’équilibre. » MM.Baro
7) Une association des contraires:
Pour les Kogis, il n’y a pas de bien et de mal dans la vie. Mais il y a des principes opposés : le jour et la nuit, le féminin et le masculin, le haut et le bas..
8) Un pouvoir canalisé:
Chez les Kogis, il n’y a pas de « chef » ( c’est pareil dans tous les peuples racines ). Les décisions sont prises tous ensemble, après avoir longuement parlé dans la « Nuhé ».
Citation : « Dans la Nuhé, on peut pas se disputer, on vient pour discuter de choses importantes… » MM.Dingula
9) Une parole partagée en permanence:
C’est la première chose qui frappe quand on arrive chez les Kogis : chacun demande qu’on lui répéte notre histoire. La culture orale inspire bien leurs activités quotidiennes que leurs rituels sacrés.
10) Une prédominance de l’invisible:
Chez les Kogis, c’est « Aluna », la pensée ou l’énergie qui a crée le « vivant ». Certains enfants sont sélectionnés pour être « Mamu »; leur éducation vise à rentrer en relation avec l’esprit de chaque chose. Lorsque leur enseignement prend fin, le Mamu qui a accompagné son élève prononce alors la phrase rituelle :
« Tu as appris à voir à travers les montagnes, à travers le coeur des hommes, tu as appris à regarder au-delà des apparences, maintenant tu es un mamu. » MM.Dingula

« La sagesse éducative des Kogis nous importe parce qu’elle met l’accent sur l’enracinement et les dangers de son ignorance. Les Kogis savent très bien que notre humanité est en danger parce que notre terre donne des signes de mort. Comment le savent-ils ? Par une éducation qui, pour n’avoir rien de « scolaire » et de « livresque », est d’une rare qualité existentielle et d’une exigence inimaginable. Elle s’appuie sur des « mentors », des chamans appelés « mamus » dont la connaissance est profondément reliée à la nature.
L’éducation d’un jeune mamu est rigoureuse. Comme n’importe quel enfant Kogi, elle commence avant la naissance, lors de la fécondation et de la gestation. La mère doit contrôler ses énergies, notamment négatives, prendre conscience de ses émotions pour ne pas perturber l’embryon. Jusqu’à l’âge de quatre ans, l’éducation de l’enfant se réfère à l’exemple des adultes ou des enfants plus âgés. Pendant cette période, l’enfant n’est pas puni car la punition pourrait altérer les bonnes influences sur la mémoire acquise pendant la phase embryonnaire. Mais dès quatre ans, l’enfant devient responsable et s’engage dans la vie communautaire en fonction de son âge et de ses capacités.
C’est l’adulte ou l’enfant plus âgé qui est tenu pour responsable des comportements déviants du petit enfant. En effet, la pensée des Kogis affirme que pendant cette période, Aluna (l’âme, l’énergie vitale) de l’enfant n’a pas encore atteint le stade du Seiwa (la conscience), sa façon d’être au monde en relation avec les autres et le monde. Cette conscience va résulter des sollicitations du milieu humain et naturel tout le long de la vie, dans un processus non linéaire mais circulaire (du père vers l’enfant et de l’enfant vers le père par exemple).
« Véritables guides spirituels, les mamus représentent les autorités traditionnelles de la communauté kogi. Ils sont à la fois médecins, architectes, agronomes, biologistes, astronomes, philosophes etc. » (E.Julien, 2004, p.254).
L’éducation « mamu » se doit d’accompagner l’enfant puis l’adulte sur « le chemin des neuf mondes » pour comprendre les mystères de la vie au contact de la nature .
Dès les premières semaines qui suivent la conception, la mère de famille choisie pour donner naissance à un petit mamu respecte un régime alimentaire draconien, sans sel ni viande d’animaux domestiques. Elle consomme des légumes riches en protéines, exclusivement choisis en préparés par des mamus. Elle passe de longues heures en méditation et dans des dialogues avec des mamus. Elle parle de ses émotions, de ses angoisses, des événements de la journée, de ses rêves et cauchemars, que les mamus vont interpréter pour l’aider à modifier ce qui pourrait perturber la mémoire de son enfant, même à l’état embryonnaire.
L’accouchement de la mère est accompagné par le mamu qui conservera le cordon ombilical et le placenta pour effectuer des rituels précis.
Pendant les premiers mois de l’allaitement l’enfant reste près de sa mère et de son mamu « professeur ».
Dès que l’enfant peut manger une nourriture différente du lait maternel, c’est la mamu qui prépare les repas et les sert dans des récipients en terre cuite, composés de viandes d’animaux exclusivement chassés dans la Sierra, d’insectes, d’écrevisses, de plantes naturelles sans sel etc…
Entre un an et demi et trois ans, son éducation est attribuée à son mamu Son existence va être sévère. Il devra rester seul dans une sorte de temple végétal appelée « nuhé » qui deviendra son « université » . Il ne pourra sortir que la nuit pour ses besoins élémentaires. Il demeurera dans la nuit, parfois pendant…dix-huit ans ! Toute son éducation est symbolique et s’effectue en méditation et en pensée sous l’évaluation de son maître spirituel. « Il ne connaîtra pas la mer, mais il connaîtra son esprit…il ne connaîtra pas les arbres, les pierres, les sommets, le soleil et les planètes, mais il en connaîtra les esprits. Il se mettra en relation avec eux pour apprendre de chacun l’interrelation entre tous et toutes choses…C’est quand il aura réussi à connaître tous ces esprits, qu’il aura pu entrer en relation avec eux, qu’il sera autorisé à retrouver la vie matérielle et la lumière.
Son enseignement prendra fin lorsque sera prononcée la phrase rituelle : « Tu as appris à voir à travers les montagnes, à travers le cœur des hommes, maintenant tu es un mamu » » (Julien, 2004, pp 255-256).
On est frappé par l’analogie entre l’éducation de l’enfant mamu et le petit « tulku » du bouddhisme tibétain.
Dans les deux cas, nous pouvons repérer l’insistance sur l’éducation avant la naissance et dès la prime-enfance, le délaissement de la mère et des parents à partir d’un certain âge, l’éducation précise et rigoureuse par un maître spirituel, l’isolement relatif de l’enfant et son passage par des rituels. Mais il me semble que l’éducation de l’enfant mamu est encore plus contraignante que celle de l’enfant tulku au Tibet, même dans son aspect le plus traditionnel (René Barbier).
La vision du monde des Kogis distingue bien le pôle féminin et le pôle masculin pour les faire dialoguer ensemble d’une manière complémentaire.
La fille doit apprendre à tisser, notamment les mochilas (sorte de sac à dimension symbolique) et prendre une part active à la vie quotidienne. Elle est enseignée par les anciennes qui lui racontent leurs journées, selon la tradition, en rapport avec la famille et les enfants. Elles lui apprennent surtout à penser les choses de la vie.
Le groupe des femmes est souvent un groupe de résonance, d’échoïsation de pensée, pour toute activité importante à réaliser pour le groupe.
A l’issue de son éducation le Kogi devenu « mamu » est capable de « pouvoirs » étonnants. Il communique avec la nature, dans sa diversité, aussi bien végétale qu’animale. Il est capable de voir comment construire une maison (une nuhée), à quel endroit, selon quelle circonstance. Il connaît les endroits pour chasser, ou pêcher. Il sait tisser une « carte » en végétal qui indique, non seulement, les lieux précis, mais dessine également tous les endroits rituels, les événements, l’histoire même de la société Kogi. Il sait guérir par des rituels magico-religieux. Il est la référence de ce peuple-racine.
Le sens du groupe est essentiel. Le manu en est l’animateur sans en être pour autant le « chef » suivant l’acception moderne. Il y a une logique interne, dans cette culture, entre Aluna (l’âme), le Seiwa (la conscience), l’intérêt du groupe, l’efficacité de l’action, le respect de la nature, l’équilibre de toute chose, la canalisation de l’énergie par le biais des rituels souvent dansés, dont les éléments sont des plumes, des coquillages, des pierres, des flûtes, des tambours.
L’assomption du « pouvoir » chez les Kogis est également d’un intérêt majeur pour notre modernité. Si l’autorité morale d’un mamu est reconnue, comme la valeur des « anciens » d’ailleurs, il n’y a pas de « chefs ». C’est la parole qui prime. Une parole collective qui force chacun dans ses retranchements pour aboutir à une action réellement responsable parce que collective. L’acte est toujours précédée de la pensée.
La discussion collective dans laquelle chaque mot prononcé exclut tout bavardage insignifiant, est de règle. Autant dire que le silence dégage une valeur d’approfondissement et de gravité impressionnante. Rien d’étonnant, ensuite, de voir que la tâche entreprise est réalisée avec une efficacité remarquable. On pourrait résumer le sens de l’éducation dans la société Kogi comme un processus visant à faire découvrir, par l’expérience intime, et la mimesis, la logique interne suivante, exprimant la vision du monde de ce peuple-racine… «

Nombreuses sont les associations qui oeuvrent, tout comme nous, sur le terrain, afin de préserver et protéger les ressources naturelles de notre Terre Mère.
Ne lâchons rien, car c’est bien TOUS ENSEMBLE, UNis que nous réussirons à freiner puis stopper cette escalade de la destruction du Vivant.
Changeons avant tout nos comportements de consommateurs inconscients, boycottons les acteurs du consumérisme (Mode de vie axé sur la consommation et caractérisé par une tendance à acheter systématiquement de nouveaux biens – Larousse), éteignons nos télévisions, marchons dans la nature et écoutons les oiseaux, les cours d’eau, le vent souffler dans les branches … écoutons-nous respirer, écoutons nos enfants rire dans les près …
C’est le choix que j’ai fait il y a 30 ans lorsque je suis devenue Maman ; mes enfants, aujourd’hui m’en remercient … Je suis devenue « pauvre » au sens occidental du terme et suis RICHE d’expériences, aimée et entourée (au sens spirituel et affectif) par ceux que j’aime.
Je souhaite à chacun(e) d’entendre sa petite voix intérieure, qui crie maintenant de plus en plus fort, j’en suis convaincue, car sinon, que feriez-vous ici à lire ce texte.
Rejoignez-nous, regroupons-nous, découvrons-nous … rions, chantons et oeuvrons ensemble, dans la Joie, car le chantier est vaste et dans la Joie, ensemble, c’est moins difficile ♥ ♥ ♥

Vous souhaitez poursuivre vos lectures sur ce sujet :
Le Chemin des 9 Mondes, Eric Julien – 2001 Albin Michel éditeur Clés
Eric Julien a fondé l’association Tchendukua. (Ici et Ailleurs).
Leur représentation officielle en Colombie est Gonawindùa
Bonjour,
je me sens complètement en accord avec vos mots votre message, votre sensibilité et votre clairvoyance, conscience. Cela fait maintenant 3 ans que je ressens que je dois vivre dans la nature en permanence. Au début je pensais que j’étais folle de penser cela car j’étais seule dans mon entourage puis petit à petit j’ai ressenti et compris que terre mère m’appelait pour me faire comprendre que c’était ce que je devais faire. Étant donnée que je recherche un ecovillage ou un groupe de personnes autonomes, je me dis que c’est peut-être le moment pour moi de faire le grand saut.
Acceptez-vous de prendre de nouvelles personnes ?
Merci d’être vous
Merci pour tout
Coeurdialement
Marion
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Bonjour Marion,
Oui bien sur tu es la bienvenue ; toutes les bonnes énergies ont leur place à nos cotés. A bientôt !
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